L’arrivée à Sorong
Après une dernière nuit agitée par des vents violents dans les îles de Misool, nous prenons le large pour atteindre Sorong.
Grâce au vent de dos, nous naviguons à une belle vitesse de 18-20 nœuds. Nous atteignons donc très vite l’entrée du détroit qui mène à Sorong.
C’est la première fois que nous passons la nuit sur les berges de la Papouasie. Il n’y a pas si longtemps, cette région était interdite aux étrangers.
À première vue, la Papouasie est une grande étendue couverte d’arbres. Une immense île entièrement recouverte d’une forêt tropicale.
Nous remontons doucement le détroit. D’un côté, des villages de pêcheurs : ils vivent modestement dans leurs petites maisons de bois construites sur pilotis. De l’autre côté de la rive, des machines chargent des bateaux avec de gros troncs d’arbres.
Un peu plus loin, un ensemble de bâtiments neufs trahissent la présence de ressources naturelles dans le sol. Du pétrole ou du gaz, peut-être bien les deux. Une grande flamme brûle en haut d’une cheminée.
Le contraste avec les pêcheurs sur leurs petites barques est choquant.
Nous ne nous attendions pas à un tel spectacle.
Manifestations à Sorong
Nous atteignons le port de Sorong. C’est le premier grand port où nous jetons l’ancre. Jusqu’à maintenant, nous allions de petite île en petite île. Notre voilier est long de 15 mètres, mais à côté des pétroliers et porte-conteneurs, nous paraissons miniatures.
Tout comme la région de Tual, la Papouasie occidentale appartient à l’Indonésie (depuis 1963). Nous n’avons donc pas besoin de passer une nouvelle quarantaine. Le port est immense. Sur les quais, des centaines de milliers de conteneurs attendent d’être vidés ou chargés. Notre capitaine nous dépose à terre pour y passer la journée. De son côté il doit réparer le pilote automatique car après Sorong nous allons reprendre la navigation 24h/24.
Sorong est une ville portuaire et il n’y a pas grand chose à visiter. Nous décidons de prendre un mini-bus au hasard. La ville est construite autour d’un grand axe routier. Nous quittons le quartier du port. Par la fenêtre nous apercevons une manifestation. Une dizaine d’hommes et de femmes Papous tiennent des panneaux devant un centre commercial :
« Stop oppression ! » « Freedom for Papua ! »
Nous n’osons pas prendre de photos. L’année dernière, deux journalistes français ont été arrêtés par le gouvernement Indonésien. Nous décidons de rester dans le minibus pour faire le tour de la ville. Les passagers montent et descendent régulièrement. Etrangement, nous remarquons qu’ici à Sorong, il y a assez peu de Papous. La majorité de la population est d’origine indonésienne. Le gouvernement les encourage et les aide à s’installer ici.
Nous repassons devant le supermarché, mais les manifestants ont disparu. Ils ont évacué les lieux rapidement et il n’y a plus une trace de leur passage. John, le capitaine de notre voilier, nous a prévenus. La Papouasie est très riche en ressources naturelles mais la population locale n’en bénéficie pas. C’est pourquoi de plus en plus d’incidents violents surviennent entre manifestants papous et police indonésienne.
Nous terminons la journée en nous promenant dans les alentours du port. À la tombée de la nuit, sur les berges, des stands de rue proposent du poisson grillé. Les tables se remplissent rapidement, les gens font même la queue. Les prix sont élevés, seuls les « riches » de la ville viennent manger ici, en famille.
Loin de la terre sauvage qu’on imaginait, on découvre ici, à Sorong, une tout autre Papouasie : celle exploitée par le gouvernement indonésien.
Dans les terres de la Papouasie Occidentale
Deuxième jour à Sorong. Aujourd’hui, nous décidons de pousser notre découverte au delà de la ville. Nous nous rendons au premier hôtel que nous croisons et demandons à louer un scooter. Le réceptionniste hésite un moment. « Il n’y à rien à voir en dehors de la ville… Un touriste a été agressé il n’y a pas longtemps, n’y allez pas, c’est dangereux ! … ». Mais nous ne baissons pas les bras, alors il finit par téléphoner à un « cousin ». 10 minutes plus tard, le scooter est livré avec deux casques.
Sorong est traversé par une grande rue principale. Dès la sortie de la ville, la belle route goudronnée se transforme en route de campagne cabossée. En dehors des villes, les routes sont soit inexistantes, soit en très mauvais état. Les maisons se raréfient, laissant place à des rizières, des champs de manioc et des bananiers à perte de vue.
Plus nous nous éloignons, plus la nature reprend ses droits. Après les exploitations agricoles, nous roulons en lisière de la forêt. Enfin ! La forêt est dense, belle.
Nous croisons des hommes avec des machettes. Certains l’ont sur le dos, d’autres à la main. Nous ne faisons pas les fiers en passant à côté. Nous traversons de temps à autre des villages avec de petites maisons en bois. Nous décidons de nous arrêter pour découvrir l’un des villages à pied. Un vieil homme fabrique des paniers devant chez lui. Nous essayons de lui poser quelques questions mais la barrière de la langue ne nous permet pas de communiquer clairement.
Sur le bord de la route, les villageois vendent des fruits de leurs jardins et de l’essence dans des bouteilles en plastique.
Nous reprenons la route. Le terrain est maintenant escarpé. Les montées et les descentes sont raides. Le scooter a du mal à supporter nos deux poids. Nous roulons très doucement.
Klamono : le village du pétrole
Après 3 heures de route et seulement 50km au compteur, nous décidons de faire une pause déjeuner au village de Klamono. C’est le plus grand village que nous ayons croisé jusqu’à maintenant: il y a un poste de police, une grande station service flambant neuve qui n’est pas encore en service, le terminus des mini-bus pour Sorong et un ponton pour les embarcations qui rallient les autres villages par la rivière. Nous sommes étonnés de voir ici, au milieu de nulle-part, un village aux constructions neuves.
Nous entrons dans une petite épicerie pour demander s’il y a un restaurant dans le coin. Les deux dames Papous assises derrière la caisse, sont surprises mais heureuses de nous voir. Elles nous conduisent à l’etage. Sur une belle terrasse se trouvent 6 tables vides. La cuisine semble fermée, mais les deux dames partent chercher la cuisinière.
Avant de s’installer, Clem verifie son porte-monnaie et se rend compte qu’il est quasiment vide. Nous avons oublié de tirer de l’argent. Nous avons à peine assez d’argent pour payer la moitié d’un repas à Sorong. On essaie d’expliquer aux dames que nous n’avons pas assez d’argent mais elles insistent pour qu’on s’assoit. La cuisinière nous prépare généreusement pour chacun un plat de poisson, un plat de viande, une soupe et du riz. Après le repas, on tend tous nos billets aux dames, elles prennent seulement un billet 10 000 roupiah, moins d’un euro, une somme modique.
Nous les remercions, mais au moment de partir l’une d’elles nous rattrape. Elles souhaitent nous accompagner en scooter. Drôle de demande, nous ne savons nous-mêmes pas où nous allons… Elles nous proposent de nous faire visiter les alentours. Nous acceptons avec plaisir.
Nous voilà repartis. À la sortie du village, elles bifurquent sur la gauche, et empruntent une piste de terre qui s’enfonce dans la forêt. Nous les suivons sans trop savoir où elles souhaitent nous emmener.
Après une demie heure sur la piste chaotique, nous tombons nez à nez avec un champ de forage au milieu de la forêt. Nous empruntons ensuite une autre piste, qui conduit à un village, c’est là où elles habitent. Des tuyaux conduisent le pétrole vers un gigantesque hangar où est entreposé l’or noir. Les femmes nous proposent de monter sur une colline où nous pourrons avoir une vue imprenable sur des kilomètres à la ronde. Des enfants, intrigués par notre présence, nous rejoignent.
La colline est entièrement déboisée et des dizaines de puits extraient le pétrole brut.
A qui appartiennent ces puits ? À qui va l’argent ?
Nous essayons de poser des questions mais les femmes ne parlent pas suffisamment bien anglais. Elles semblent néanmoins heureuses, car ces installations ont donné du travail aux membres de leurs familles.
Une fois en haut de la colline, la vue est effectivement incroyable. Mais pas dans le bon sens. Nous sommes choqués par le spectacle de désolation : face à nous, la deforestation.
Nous retournons en fin d’après-midi à Klamono. Nous aimerions rester davantage ici, avec ces femmes, dans leur famille. Mais notre capitaine nous attend à Sorong et nous devons rentrer avant le début de la nuit.
Finalement, ce que nous avons vu nous a donné envie d’en apprendre plus sur la région. Loin des stéréotypes des villages papous traditionnels, nous avons découvert en Papouasie Occidentale une lutte complexe pour l’indépendance et la richesse du sol.
A bientôt pour une nouvelle aventure
Clo & Clem
5 commentaires
Vous vous promenez avec tout votre matos pour quelques heures, peur du vol dans le bateau ?
Ayayaye… ce n’est vraiment pas l’image que j’avais de la Papouasie. J’imaginais des forêts vierges avec des Papous qui portent l’étui pénien. Bien dommage encore une fois que les ressources naturelles et la richesse que leur exploitation amène ne servent pas aux populations locales.
Salut Rachel,
La Papouasie c’est grand et différent. Si tu veux aller voir de la forêt vierge et des papous en étuis pénien, il faut que tu ailles dans le centre : Wamena, la Vallée du Baliem 😉
Vas jeter un oeil sur mon site si ça t’intéresse j’ai fait un trek de 12j. Et des papous j’en ai vu ^^
Clo&Clem était sur un spot mondialement connu, mais pour la plongée 😉
Je suis aussi surpris par cet article. Mais je partage votre envie d’en savoir plus. On en parle pas beaucoup dans les média je trouve…
Je viens de découvrir votre blog. J’ai voyagé comme vous en Indonésie et en Australie et vos récits de voyage me font re vivre les meilleurs moments de ma vie! La personne qui écrit à une très belle plume et que dire de vos vidéos. Je vous salue du Québec xxx