Comme on vous l’expliquait dans notre précédent article (Le sud de Madagascar en Taxi-brousse : Fianarantsoa, Parc de l’Isalo et baobabs de Tuléar), ce voyage à Madagascar est particulier pour nous. Claudia a quitté Madagascar à l’âge de 11 ans. De son enfance à Madagascar, il ne lui reste que quelques rares souvenirs.
Les parents de Claudia vivaient à Antananarivo mais toute sa famille est originaire d’un village isolé près de Fort-Dauphin. La dernière fois que Claudia les a vus, elle avait 7 ans, c’était en 1997.
Rencontre imprévue avec la famille de Claudia : on nous explique l’importance du mariage traditionnel
Après avoir voyagé en taxi-brousse d’Antananarivo à Tuléar, nous nous renseignons sur les différents moyens de transport pour rejoindre Fort-Dauphin. À l’origine, nous pensions prendre un taxi-brousse pour aller de la côte Ouest à la côte Est. Mais les routes secondaires sont généralement dans un mauvais état à Madagascar. Pour parcourir les 600km entre Tuléar et Fort-Dauphin, on nous explique qu’il nous faudra 3 jours et 2 nuits dans le bus.
Comme nous voyageons avec du matériel audiovisuel et qu’on nous a déconseillé de voyager de nuit à Madagascar, nous changeons finalement nos plans. Nous décidons de prendre un avion pour rejoindre Fort-Dauphin depuis Tuléar même si le prix des billets pour les vols intérieurs est excessivement cher à Madagascar. Pour vous donner une idée : en taxi-brousse d’Antananarivo à Tuléar, nous avons payé 30 euros à deux pour parcourir 1000km. De Tuléar à Fort-Dauphin, nous payons 600 euros d’avion pour ne pas faire les 600km en bus.
Ce trajet en avion était donc totalement imprévu. Pourtant, à notre arrivée à l’aéroport de Fort-Dauphin, nous sommes attendus par deux hommes. Comme ils ne parlent pas français, nous pensons d’abord à des rabatteurs. Mais l’un d’eux nous montre une photo que nous avions partagée sur les réseaux sociaux en nous disant « famille » et en se présentant comme l’oncle et le cousin de Claudia. Claudia ne les reconnait pas. Elle était trop petite pour s’en souvenir. Dans le doute, nous acceptons de les suivre.
Comment savaient-ils qu’on allait prendre l’avion ce jour-là alors que la veille nous ne savions pas nous-mêmes que nous n’allions pas prendre le bus ? Mystère. La méfiance disparaît finalement lorsque nous sommes accueillis chaleureusement par les autres membres de la famille. Claudia rencontre également pour la première fois son demi-frère qu’elle ne connaissait pas.
Une réunion est improvisée avec tous les oncles et tantes de Claudia. Nous sommes mariés depuis 5 ans en France mais ils veulent que nous fassions un mariage traditionnel malgache. Nous n’étions pas venus ici pour cela mais ce mariage traditionnel semble très important à leurs yeux. Nous devons recevoir la bénédiction des ancêtres.
L’importance du mariage traditionnel à Madagascar : présentation de la cérémonie
Le mariage traditionnel est différent d’une région à l’autre de Madagascar. La famille de Claudia appartient à l’ethnie des Antanosy. Chez les Antanosy, le mariage traditionnel se déroule en deux étapes :
- Les fiançailles s’appellent le Fisehoana (dans le dialecte Merina) ou Fibouahana (dans le dialecte Antanosy). Cela signifie « se montrer à la famille ». Lors de ces fiançailles, le futur marié se présente à la famille de sa future femme. Il fait le Tako masy (la traduction littérale c’est « cacher les yeux « ) : il vient offrir à boire et peut donner une petite somme d’argent.
- Après les fiançailles vient la cérémonie du mariage. Le mari doit donner un zébu à la famille. Le zébu sera abattu et la viande sera distribuée aux membres des deux familles. Le marié trempe son index dans le sang du zébu égorgé et l’applique sur le front de la mariée et la mariée fait pareil à son mari. Le marié peut aussi faire le Tekotraka : donner un zébu à sa femme. Ce deuxième zébu ne sera pas abattu. Au moment où le zébu est tué, on invoque les ancêtres et on prononce le Tso-drano, la bénédiction (qui se dit aussi fafi-rano).
Le respect de la tradition « Fomba » (on peut dire aussi Fomba-drazana (coutume des ancêtres, razana = ancêtre)) est importante pour la famille de Claudia, mais nous n’avons pas envie de tuer un zébu. Nous ne sommes pas végétariens mais nous limitons autant que possible notre consommation de viande.
Comme nous ne souhaitons pas être impolis, nous demandons du temps pour réfléchir à ce mariage traditionnel même si égorger un zébu pour s’imprégner du sang de l’animal est impensable pour nous.
Le village reculé de Manantenina en 4×4 : la grande aventure !
La famille de Claudia est originaire du village reculé de Manantenina près de Fort-Dauphin. Nous sommes attendus là-bas par les autres membres de la famille. À Manantenina, il n’y a ni l’eau courante, ni électricité.
La route qui passe par Manantenina est la nationale 12 qui longe la côte Est de Madagascar, reliant Fort-Dauphin à Manakara. La nationale 12 est dans un très mauvais état. Manantenina se trouve à moins de 100km de Fort-Dauphin. Il faut pourtant 8h pour s’y rendre en 4×4.
Tout comme les taxis-brousse, le 4×4 sert de transport en commun. Le 4×4 de 5 sièges accueille au total 16 personnes plus les bagages. Les accidents sont fréquents à cause des surcharges et du mauvais état des routes.
La région de Manantenina est très verte grâce à de nombreuses rivières. Fort-Dauphin est d’ailleurs à côté du Parc national d’Andohahela. Pour traverser ces rivières, nous devons passer des bacs. Les paysages sont familiers : Claudia reconnait la végétation et les maisons en bois construites sur pilotis. Elle est très émue de revenir ici.
Nous arrivons à la tombée de la nuit à Manantenina. Nous devons encore marcher à travers la forêt pour atteindre le village des grands-parents maternels de Claudia. C’est comme si le temps s’était arrêté, pas d’Internet, pas de réseau téléphonique : ici les gens vivent loin de tout confort moderne.
On improvise notre mariage traditionnel malgache
Le lendemain de notre arrivée, nous visitons le village avec l’oncle de Claudia. Il nous présente les travaux de la future cantine de l’école. La mère de Claudia, qui vit en France, a créé une association afin de nourrir les enfants du village.
Les jours passent et nous nous habituons à ce nouveau rythme de vie. Nous nous levons au lever du jour et nous nous couchons à la tombée de la nuit. Nous nous lavons dans la rivière, nous buvons l’eau de cette même rivière.
Au retour d’une balade matinale, la veille de notre retour à Fort-Dauphin, une nouvelle réunion de famille est improvisée. Les oncles et les tantes ont fait venir Tony, un professeur d’école qui parle français. Ils tentent de nous convaincre une nouvelle fois de faire le mariage traditionnel. Nous acceptons finalement le mariage mais ils acceptent d’annuler le sacrifice du zébu.
Pour remplacer le zébu, nous proposons de faire un grand repas végétarien : des lentilles et du riz pour toute la famille. Clément doit symboliquement offrir les boissons au chef de famille pour avoir sa bénédiction.
Nous sommes conviés dans la maison des ancêtres et devons nous mettre face au mur, dos aux gens. Le doyen prononce un discours long et intense. sa bénédiction est émouvante. Il remercie les ancêtre de nous avoir fait venir jusqu’à eux et ils demandent à ce que plus jamais Claudia n’oublie d’où elle vient.
20 ans après avoir perdu sa famille de vue, Claudia, surnommée affectueusement « Papy », est de retour à Madagascar et a retrouvé ses origines.
Nous préparons actuellement un documentaire sur cette incroyable aventure. Ne manquez pas la suite du voyage à Madagascar dans le prochain article 🙂
2 commentaires
C’est très émouvant comme récit Merci d’avoir partagé ce moment avec nous
Merci pour ce commentaire 🙂 On n’a pas l’habitude de raconter notre « vie privée » mais c’était une aventure complètement folle. Il fallait qu’on la partage :p